Stéphane MERIAUX, par Michaël GRABARCZYK
2003 (Mon blog : http://m.grabarczyk.over-blog.fr )
Admirablement colorées et très harmonieuses, ainsi apparaissent de prime abord les œuvres de Stéphane Mériaux. Si les couleurs dominantes se limitent souvent aux trois primaires et les motifs
retenus aux carrés, triangles ou cercles, il existe bien une profondeur, un engagement sincère de l’artiste. Cette sincérité s’affirme dès lors que l’on daigne s’arrêter devant le travail, car
elle réunit rigueur de conception et démarche sensitive.
Bien qu’il se méfie de la spontanéité immédiate, Stéphane Mériaux ne réalise aucune étude préparatoire : son inspiration s’épanouit au contact de
moyens constructifs qui amènent à la planification et à l’ordonnance de la substance artistique. Pour cela, Mériaux simplifie et réduit son vocabulaire formel à un unique élément syntactique, le
carré, qui répète la surface quadrangulaire du support. Son agrandissement et son rapetissement progressifs et répétés fondent toute la construction de l’œuvre ; la délimitation du tableau étant
à la fois l’unité de base et le champ central de lecture.
Cette économie de moyens s’appuie tant sur la régularité de cet élément constructif que sur le nombre de variations possibles qu’elle propose.
Les différentes tailles des tableaux offrent également une grande variété de représentations au gré des variations de couleurs. Une fine bande autour du support relève les effets et renvoie notre
regard vers le centre. Là, par son caractère matériel, la couleur révèle une nouvelle surface. Tantôt plane, tantôt accidentée, cette dernière semble redoubler la surface réelle première la
recouvrant.
Ce besoin d’hétérogénéité picturale conduit Stéphane Mériaux à exploiter les ressources tactiles de la matière en s’intéressant aux combinaisons
optiques qui résultent des jeux de la texture, des épaisseurs multiples que la diversité des fabrications textiles met sur le marché. Il sait tirer de remarquables effets lumineux et sensoriels
dans ses compositions, en recourant aux tissus d’ameublement qu’il maroufle directement sur la toile. En peignant par-dessus il exalte le matériau en soi, ses propriétés
spécifiques.
Le tissu est une matière qui se prête, selon l’origine de ses composés, les structures que forment ses fibres à des variations pour le moins
aussi nombreuses et nuancées que celles qui distinguent, aux yeux d’un sculpteur, les qualités respectives d’un marbre, d’un granit ou d’une argile. Semblables aux pierres dures ou tendres, aux
bois denses ou friables, certains tissus dans l’œuvre de Mériaux apparaissent lisses ou résistants, d’autres raboteux au doigt, pelucheux ou soyeux ; certains absorbent toute invasion picturale,
en nourrissent leur métamorphose, d’autres au contraire les rejettent.
L’art de Stéphane Mériaux mêle ainsi rationalité et sensibilité, condition et but de l’œuvre. Ce phénomène de duplicité de l’œuvre dans la
rencontre de la raison et du sentiment suppose une convergence d’éléments que d’autres artistes au contraire dissocient. Entre la rigueur conceptuelle et l’accident matériel, la dimension
spirituelle et celle décorative, l’intime et le dévoilé, toute interprétation demeure ambiguë parce qu’elle correspond à l’ambivalence même de l’œuvre.
Exposition du 29 avril au 07 juin 2003 à LA SECU, Lille